… Vous ne dites rien …
Je ne voudrais pas couper le silence trop vite et m’assurer que vous avez fini de dire ce que vous vouliez dire …
Oui, j’ai fini mais le silence me met mal à l’aise …
Ok. Dans ce cas, voyons ce que ça donne avec la méthode qui vous met à l’aise alors, celle où l’important - pour une raison qui m’échappe à cet instant - est de dire quelque chose, comme si la rencontre était une sorte de jeu de vitesse. D’accord ?
D’accord !
Où étaient les enfants d’après-vous si je vous dis : Aujourd’hui les enfants ont vu des lions et des tigres…
Au zoo sans doute ?
Vous êtes rapide… Si j’ajoute : Et le clown les a bien fait rire ...
Ah non, ils ont été au cirque !
Quelle vitesse… Puis leur mère a éteint la télé …
Ah, ok, ils étaient chez eux devant la télé.
Une vraie flèche… Et elle leur a promis qu’ils pourraient la regarder une fois rentrés à la maison ...
... Là je ne vois plus où ils étaient …
…. Mais vous êtes à l’aise … Et vous êtes rapide, je crois que vous êtes arrivée à ne laisser aucun silence.
Je suis très forte dans ce jeu [silence] ... C’est pareil dans ma famille, on passe des après-midi ensemble, on parle tous en même temps et tout le temps, ça fuse … c’est pareil avec mes amis ... mais le soir j’ai le sentiment de n’avoir écouté personne, je ne retiens rien…
Et les autres vous ont-ils écouté ?
Moi-même, je ne sais plus trop de quoi j’ai parlé … quand on ne parle pas c’est bizarre… et ça ne dure jamais …
Que se passe-t-il quand il y a un silence dans votre famille ou avec vos amis ?
Il y a toujours quelqu’un pour dire : « Un ange passe », « alors quoi de neuf ? » ou le classique : « tu ne dis rien ? »
…
Vous ne dites rien …
Je tentais seulement de laisser quatre secondes après la fin de votre phrase ...
C’est long ! [Sourires]
[Quatre secondes] ... Ça vous dirait qu’on laisse une respiration de 4 secondes entre chacun de nos échanges ?
C’est long ! Oups ! ... [elle inspire et expire]
[J’inspire et j’expire] ... Nous avons laissé, à peu près, huit secondes s’installer entre votre "oups" et ce que je dis à l’instant ... C’était inconfortable pour vous ?
Pas vraiment inconfortable, juste bizarre..
[Sourire] ... Redites-moi ça dans quatre secondes ...
[Sourire, elle inspire et expire] ... Pas vraiment inconfortable, juste bizarre.... [quatre secondes] ... mais assez doux aussi
[Quatre secondes] ... oui doux et une certaine proximité entre nous aussi, vous ne trouvez pas ?..
... Le silence qui rapproche plus qu’il n’éloigne ...
... Je trouve aussi ...
... Et, où étaient les enfants ?
.... Aucune idée !
[Rires]
Fragments
Des bouts de bouts de rencontres en consultations ..
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Où sont les enfants ?
par Benoît Dumont - 28 janvier 2024
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Crrrtch !
par Benoît Dumont - 17 janvier 2024Il fait nuit, il fait blanc en même temps, il fait « crrtch » sous le pas.
J’adore quand ça fait « crrrtch ».
C’est pas souvent qu’on peut s’offrir ce moment de « crrtch, crrrth ».
C’est tellement calme et serein et c’est pas tous les jours que j’arrive à le placer dans un post aussi.Alors j’en profite pour l’écouter. Ce qui est plus facile à faire qu’à écrire je dois bien le reconnaître.
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Rien de spécial. Surtout.
par Benoît Dumont - 1er janvier 2024Du coup, je lui demande quand ils ont décidé, les martinets, les oiseaux (que je précise pour rire mais le monsieur est concentré sur son sujet), de se poser pour la ponte. Est-ce après avoir fait quelques essais infructueux parce que nous, les humains, on avance surtout par essais-erreurs non ? (en fait, je lui dit pas mais cette affirmation me laisse sceptique).
Et le monsieur qui en sait s’est tourné courtoisement vers un autre convive avide de sacheries à replacer à l’occasion.Moi, la coriandre j’aime ça, c’est parce que mon gène OR6A2, est plutôt dormant qu’ils disent les chercheurs qu’il m’a expliqué un autre monsieur qui en sait. Ils disent aussi que certains de ceux chez qui ce gène est surexprimé, trouvent un goût de savon à cette herbe. Certains autres disent même qu’elle a un goût de punaises écrasées (j’ajoute : les insectes, parce que les autres faut pas en manger, ça pique, et j’aurais pas dû, le monsieur me regarde étrangement).
Pour le goût de savon, je peux comprendre je lui ai dit, nous sommes beaucoup à en avoir goûté, ne serait-ce qu’en punition de nos gros-mots, mais qui diable a déjà gouté des punaises écrasées ?
Et le monsieur s’est éloigné en disant : « tiens, ont-ils prévu de la sangria, j’adore la sangria, ils en font des merveilleusement revisitées à Séoul ». J’ai compris que ce n’était pas une question, encore moins une invitation. Ca m’arrangeait.Alors je suis resté là avec mes questions sur les martinets (les oiseaux) et la purée de punaises (les insectes). Comme souvent dans ce genre de soirée, j’ai froid et je transpire, un peu comme un pingouin dans le désert. C’est assez solitaire comme expérience. Pas que je n’aime pas la solitude mais je préfère être seul dans ces cas-là.
Alors je ne fréquente plus trop ce genre de soirées.Rien de tel cette année, on n’avait rien à faire de spécial et des amis qui n’avaient rien de spécial à faire nous ont proposé de le faire ensemble, comme ça, à l’improviste, à quelques heures de ne rien faire de spécial séparément. C’était plutôt excitant, presque spécial, même si on avait décidé que ça ne l’était pas.
Et, au moment où le soleil fait un peu sa mauviette, se lève tard en faisant la tronche au point qu’on a envie de lui dire qu’avec cette tête il ferait mieux d’aller se recoucher et qu’on ne voit même pas qu’il est déjà retourné se coucher, trouver des amis joyeux et lumineux comme le printemps c’était cadeau, des amis avec qui on peut imaginer les multiples essais des martinets (les oiseaux) pour faire vraiment tout en l’air, y compris la ponte par exemple, en travail d’équipe il y a peut-être moyen, faudrait leur en parler, mais qui parle martinet ici, se questionner sérieusement sur le goût des purées de punaises (les insectes), se demander à quoi ressemble un speed-dating entre une punaise (l’insecte) et l’autre (celle qui pique et qu’il ne faut pas manger), imaginer le vol des martinets (les autres), par-dessus l’étang, qui s’en allaient vers le midi, la méditerranée, lalala... rire en tentant désespérément de faire au moins un selfie de groupe de punaises qui puisse témoigner du moment qu’on passe à ne rien faire de spécial ensemble mais en le faisant bien. Simplement.Se dire au final, au bout de l’année, qu’il n’y a pas de balance à faire entre les belles choses - aussi belles que le vol du martinet, l’oiseau - et les choses crasses comme la purée de punaises, les insectes.
Les jolies choses vécues restent merveilleuses et les douloureuses n’en sont pas adoucies. Juste se dire que le monde est fait de gens qui aiment la coriandre parce qu’ils ont le gène dormant et d’autres ne l’aiment pas à cause de leur gène surexprimé. Se demander si entre dormant et surexprimé il existe quelque chose.. Enfin ce genre de choses, moi ça me fait du bien.Je vous souhaite à tous, dormants, surexprimés ainsi qu’à toute la communauté des équilibrés génétiques une année d’étonnement, de curiosité avec plein de moments qui « à priori » n’ont rien de spécial.
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La Sevdalinka
par Benoît Dumont - 18 décembre 2023A quelle musique ressemble votre tristesse ?
Peut-être au Blues pour le spleen, le bourdon, le Blues ..
Comment serait le monde sans le Blues ...
Ou le Fado pour la Mélancolie, la saudade…
Ce serait triste le monde sans Fado et encore plus triste parce qu’il n’y aurait ni le Blues ni le Fado pour l’exprimer ...
[sourire] Il y a aussi la Sevdalinka pour le cafard, la morosité ..
Je ne connais pas la Sevdalinka, ...
Il y a aussi le Rébético, l’Enka, ... il y en a plein et dans tous les pays [il en connaît un bout]
Vous en connaissez un bout.. C’est curieux, la tristesse est une émotion mal-aimée et pourtant elle donne naissance à des musiques tellement touchantes et belles comme le Blues, le Fado et la, comment déjà ?
Sevdalinka.
C’est ça, sans tristesse pas de Sevdalinka !
En effet, pourtant c’est très beau .. C’est pas courant les endroits comme ici où on peut parler de sa tristesse...
Non, c’est pas courant... Cela dit, il y a des tas d’endroits où on peut l’entendre ...