C’est comme un puits sans fond ...
Je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu, vous dites un puits sans fond ou un puissant fond ?
Oui, un puits sans fond ..
Ou un puissant ... fond, c’est ma question.
[ Il me regarde] ... un puissant ... fond ?
Oui, un puissant fond, vous avez dit : un puits ... sans fond ou un puissant ... fond ?
Un puits ... sans fond, ou un puissant ...fond... c’est drôle ça...
En effet.... Et il y a une grande différence, un puissant fond a un fond alors qu’un puits sans fond n’en a pas ..
[rires] C’est du Devos !
Quasi.
Et [rires] ... ces temps-ci, le fond, je le touche ... donc il y a un fond !
Puissant ! [rires]
[Il se redresse et s’installe dans le fond du fauteuil]
Oui, au fond c’est puissant... ça secoue et ça remue ....
Rien à voir avec un puits sans fond donc ?
Rien puisque c’est un puissant fond ! [rires] ... Et ça me fait du bien de rire dans la tempête ...
"Rire dans la tempête", jolie formule. Alors, si cette possibilité de rire nous est offerte de temps en temps, je serais heureux d’aller découvrir ce puissant fond avec vous. En route ?
En route !
Fragments
Des bouts de bouts de rencontres en consultations ..
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Façon Devos
par Benoît Dumont - 17 novembre 2023
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Limites
par Benoît Dumont - 21 septembre 2023J’ai pété un plomb au bureau. Quand j’ai explosé, personne n’a compris ce qui m’arrivait, et c’est vrai que c’était pour un détail insignifiant. Je me suis sentie honteuse … et je ne sais pas quoi faire maintenant face à mes collègues, ils doivent penser que je suis folle.
J’aimerais vous raconter une histoire, vous voulez bien ?
D’accord.
C’est l’histoire de Marie. Un jour elle voit une personne entrer dans son jardin, elle ne dit rien à cet instant parce que, à l’entrée il est écrit « propriété privée » et ce visiteur l’a certainement vu, c’est quand même très clair. Il arrive souriant à la moitié du jardin et lui explique que son jardin est bien attirant, qu’il a vu que la haie n’a pas l’air en bonne santé, qu’elle devrait la faire tailler, ce serait encore plus joli. Elle se demande ce qu’il fait là, c’est vrai que la haie a mauvaise mine, elle ne veut pas avoir l’air désagréable, elle ne sait d’ailleurs pas quoi dire d’approprié et de mesuré, il est souriant, elle sourit, elle n’a pas de jardinier. Il jette un œil vers la cuisine en s’extasiant devant les petits carreaux du sol, elle se dit que ce n’est pas maintenant qu’elle va réagir alors qu’elle n’a rien dit de jusqu’ici, c’est plus tôt qu’il aurait fallu. Elle est assez fière des carreaux en terre-cuite qu’elle a choisi pour sa cuisine. Il entre, lui fait remarquer que la cuisine est vraiment mignonne, d’autres couleurs la mettraient davantage en valeur. Elle sait que la cuisine est un peu défraîchie. Elle est mal à l’aise, il la dit timide. Il regarde la table, il y a des sandwiches, « je ne vous en prive pas ? », elle aurait l’air ridicule de réagir à cet instant alors qu’elle n’a envoyé d’autre message qu’un sourire en réponse au sien. C’est un sandwich qui reste de la veille. Elle se sent envahie, il la trouve réservée. Il lui conseille de mettre un film fraîcheur sur les sandwichs ça évite les odeurs, elle sait qu’il a raison, elle se trouve négligente, il se dit heureux de la conseiller. Elle s’en veut de ne pas avoir réagi dès l’entrée de cette personne dans le jardin, que pouvait-elle dire maintenant ? Ce serait incompréhensible pour lui qui prend un cornichon, referme soigneusement le bocal en disant « je peux ? » il lui parle d’une très bonne épicerie fine à deux pas qui propose des cornichons très délicats. Elle sait qu’elle a rarement de quoi recevoir les visiteurs inattendus. Elle ne va quand même pas dire stop pour un simple cornichon ou lui reprocher d’être entré dans le jardin alors qu’il n’y est plus. Il a hâte de découvrir l’étage, il a plein de bonnes idées à partager pour l’aménagement des chambres, il monte, dit « je peux ? ». Il est enthousiaste, elle est confuse, il entre dans la chambre, qu’il trouve charmante, il signale que le positionnement du lit n’est pas très feng-shui. Elle se sent tellement perdue et démunie. Il ouvre le livre qui se trouve sur la table de nuit, il dit qu’il adore la littérature anglaise, il peut lui suggérer des auteurs passionnants, ça n’aurait pas de sens qu’elle réagisse maintenant, elle est intéressée par les suggestions de lectures, elle aurait l’air stupide, elle aurait dû le faire dès son entrée dans le jardin, ou au moins dans la cuisine, ou alors quand il s’est dirigé vers la chambre et, au minimum, ne pas sourire et lui faire comprendre que quelque chose ne lui convenait pas, lui dire, par exemple, qu’elle aime les cornichons piquants. Il repousse doucement sur le côté un des oreillers, et là, sans prévenir, une énorme colère monte en elle, lui échappe, elle hurle : « ça suffit, sortez ! », il se redresse, visiblement très étonné : « mais enfin votre réaction est incompréhensible, j’ai seulement repoussé délicatement cet oreiller ». Il se redresse, quitte la chambre puis la maison en maugréant : « quelle mouche a piqué cette folle ». Marie reste là, bouleversée, elle s’en veut terriblement …
Je la comprends tellement, et je suis en colère …
Moi aussi cette histoire me touche chaque fois que je la raconte… Et, celle-ci, je la raconte souvent…
Souvent ?
Oui, tenez, l’autre soir je racontais cette histoire à deux amis, des amis proches. Ils se sont arrêtés sur l’inscription à l’entrée du jardin. Sur la porte du premier il est écrit « bienvenue » et sur la panneau de l’autre il est inscrit « Vous pouvez entrer, mais ôtez vos chaussures » …
Et sur la vôtre ?
Sur la mienne ? Quelque chose du genre « pour les visites, envoyez votre demande par écrit, nous vous répondrons dans les plus brefs délais »…
[Rires]
Et sur la vôtre ?
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Vacances
par Benoît Dumont - 21 août 2023Suite au décès de ma maman, nous devons vider son appartement et, il nous a pris l’idée de faire du tri chez nous aussi, dans la foulée. Tant qu’à faire, tant qu’à être melancolico-maussado-bougon.
Et ça, on garde ? Non mais oui, mais non, oui ? Cela dit, on a été très bien accueilli par le personnel de Bruxelles-Propreté, ils sont charmants. Même s’ils n’ont pas de container à chagrins. Ou alors pas pour les chagrins frais qui prennent trop de place. « Ben non monsieur, celui-ci est encore tout à fait utilisable, il est comme neuf ». Peut-être pour les vieux chagrins périmés dont personne ne sait plus quoi faire, ceux-là je crois qu’on peut les mettre dans le container « encombrants », sans l’emballage, s’ils sont bien secs. Je demanderai. De toutes façons j’avais pas envie de m’en débarrasser de mon chagrin, c’était juste pour mon information. Je trouve qu’on jette trop, faut juste que je lui trouve une place, sa place.
Et puis il y a ces choses qui trouvent d’emblée leur place dans nos vies, instantanément. Comme par exemple, le fait que nous sommes devenus grands-parents pour la deuxième fois la semaine dernière ! Et, chez ces deux chéris d’amour, c’est sûr, il n’y a rien à jeter. Encore une occasion de pleurer avec des émotions tellement emmêlées qu’aucun recyparc n’accepterait que je leur apporte, c’est d’ailleurs marqué à l’entrée « triez préalablement vos déchets ».
Et moi, je respecte les consignes des gens charmants du Recyparc alors je suis reparti avec mon petit sac à émotions non-triées.
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Le temps des cerises
par Benoît Dumont - 21 juin 2023Quand j’étais petit j’avais une barque. Je l’appelle barque mais c’était un petit canot gonflable, mais je dis barque, c’est plus chic, plus juste avec les expériences que j’y vivais.
J’adorais cette petite barque, j’y passais des après-midi entières et je rêvais d’y réembarquer tous les soirs.
De ma barque, je voyais les prairies, grandes, mais l’eau m’en séparait, trop profonde, trop froide, trop loin pour nager jusqu’à elles, alors je restais sur la jolie barque familière, c’était ma barque, j’étais le capitaine, je voyais loin.Un jour ma barque a frôlé la berge, la berge est devenue le prolongement de ma barque et ma barque le prolongement de la prairie.
Et j’ai cueilli des cerises, ce qui, il faut bien le reconnaître, ne pousse pas dans l’eau.